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Lewis, selon son humeur, il se glissait dans la forêt, suivant les sentiers qu'il connaissait par coeur, à force de les avoir parcouru dans tous les sens depuis qu'il était en âge de partir marcher seul; ou il se réfugiait dans les champs. Si sa tête était encombrée, il préférait le ciel ouvert de ces derniers. A moins qu'il cherche simplement à faire la sieste sous un arbre fruitier. Selon les jours, donc, le jeune homme évoluait sur un terrain différent. Aujourd'hui, quelques jours à peine avant qu'il croise Scarlett à la cabane, il avait besoin d'espace, de voir loin, d'apercevoir les têtes des Fleurs qui s'activaient à l'auberge, sans pour autant être dans un périmètre où quelqu'un pourrait le repérer et l'interpeler. Il voulait être proche de la vie sans la toucher, il voulait s'aérer la tête et chasser cette sensation gênante que Scarlett l'évitait comme la peste - ou cherchait en tout cas à le croiser le moins possible, ce qui revenait au même, dans la tête de Lewis.
Il ignorait d'où venait cette impression, si elle était justifiée ou si elle s'accrochait à juste à la part de lui qui était complexée, toujours occupée à chercher la petite bête (ou la raison qui lui prouverait qu'il ne méritait pas ses amis, sa vie, que ce n'était qu'un coup de chance, que ça pouvait disparaître d'un claquement de doigts - disparaître comme Arthur Rowe) mais il ne s'en débarrassait pas et s'il savait que Scarlett n'était pas la personne la plus facile à lire en temps normal, les choses s'étaient encore corsées avec le décès de son frère. Alors il voulait effacer cette inquiétude, se rassurer, se dire qu'elle avait le droit, elle aussi, de ne pas vouloir voir du monde, préférer la solitude, mais ce n'était pas simple quand il s'imaginait que ce n'était pas le monde qu'elle refusait de voir mais juste lui. Sa crainte ne se basait sur rien de tangible, a priori. Juste un pressentiment, juste une paranoïa aiguë, qui ne l'aidait pas à voir les choses clairement.
D'où sa promenade dans les champs, où il s'arrêtait régulièrement pour attraper une fleur sauvage et former un maigre bouquet qu'il ramènerait à sa mère, plus tard. Elle serait contente, elle l'embrasserait sur la joue, elle ne se dirait pas qu'il n'avait clairement pas hérité du talent de certains avec la flore. Et tout en marchant, il parlait tout seul, se morigénant, tentant vainement de se persuader que tout allait bien, que tout irait bien, qu'ils finiraient par faire le deuil d'Arthur, qu'ils arriveraient un jour à l'évoquer avec le sourire, sans sentir leur coeur s'écorcher dans la manoeuvre. Il était si concentré qu'il ne s'aperçut de la présence d'Hiro qu'au moment où il se tourna pour faire demi-tour et trouva son ami là, à quelques mètres de lui.
- Oh jeez! Tu m'as fait peur! s'exclama-t-il, manquant de peu de lâcher son bouquet artisanal lorsqu'il porta la main à son coeur. Qu'est-ce que tu fais là?
Lewis sourit, content, évidemment, de voir Hiro. Il agita son humble présent et expliqua, comme si c'était nécessaire:
- Pour ma mère.
Il porta ensuite les fleurs à ses narines et huma longuement leur parfum délicat et entêtant, puis il expira et haussa les épaules d'un air penaud.